Olivier Papegnies
Ecrire l'Histoire

Plus de vingt ans après le génocide, le Rwanda connait un développement inégalé par les autres pays africains. Le pays aux mille collines est arrivé à ce résultat grâce à une immense volonté de laisser derrière lui son histoire raciale et sanguinaire pour aller vers une réconciliation nationale. Ceci est en tous cas ce que tout Rwandais vous dira si vous l’interrogez sur le sujet. Mais comment en est-on arrivé là ? Pour répondre, on doit probablement remonter jusqu’à la fin du génocide et à la mise en place de l’état actuel. Dès 1999 et la création de la Commission nationale de l’Unité et de la Réconciliation a été diffusé un discours que l’on voulait tenu à l’unisson et récité par cœur par tous les écoliers dans tout le pays. Ce discours consiste, en résumé, en l’idée que la mise en place des empires coloniaux a déstructuré la société traditionnelle, créé l’anarchie et transformé des classes sociales en ethnies précédemment inexistantes. Ces divisions ont mené aux conflits internes, à la haine et au génocide. C’est ce même discours que nous avons entendu au Mémorial du Génocide, à la Commission nationale de l’Unité et de la Réconciliation mais aussi dans les écoles que nous avons visitées.
Au cours de notre voyage, nous nous sommes rendus compte que nous n’avions entendu aucun discours sortant de cette version de l’Histoire. Ce qui nous a conduits à nous poser la question suivante : pourquoi cette vision simplificatrice de l’Histoire ? Un professeur d’histoire que nous avons rencontré nous a expliqué son point de vue sur son pays : le discours national a été mis en place par l’actuel président Kagame au terme d’un voyage de réflexion de 6 ans. Il fallait, pour obtenir la paix, diffuser un message simple et facile à comprendre et dont la vertu serait aussi d‘attribuer au gouvernement en place un rôle majeur dans la sécurité du pays, au risque d’être manichéen.
Nous nous sommes demandé si faire croire au peuple une vérité partielle était une bonne chose ou non. Faut-il simplifier l’Histoire pour assurer la paix ? Faut-il désigner un nouvel ennemi (par exemple les empires coloniaux et leur action) pour créer un sentiment d’unité ? La question est complexe et nous continuons à réfléchir. Nous nous demandons jusqu’à quel point un discours unique peut changer la pensée collective. Et vous qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à nous répondre dans les commentaires.
Lazar et Luis